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  • Chris

Dostoïevski au secours de l'entreprise

Dernière mise à jour : 9 mai 2022

Les frères Karamazov ou la vie


Le nouveau spectacle proposé par le Théâtre de l’Arc en Ciel, une adaptation inédite des frères Karamazov, nous donne une riche leçon de vie. Curieusement, il interpelle les hommes et les femmes d’entreprise de ce début de vingt-et-unième siècle. Pourquoi ?

Un parallèle saisissant
Le théâtre de la vie

En premier lieu, ils se reconnaitront dans la diversité des douze personnages présents sur scène. L’entreprise est un théâtre. Chacun y joue un rôle. Ils feront ensuite le parallèle entre la complexité des relations qu’entretiennent ces personnages et les difficultés de communication auxquelles ils sont confrontés dans l’entreprise. Là, le texte nous donne une première clé : le seul moyen de s’en sortir est d’être soi-même. Mais n’est-ce pas une contradiction ? Etre soi-même alors qu’on joue un rôle ? Il s’agit en fait d’être convaincu que le rôle que l’on a à jouer est le bon. Mais alors, comment éviter l’autosuggestion, un positivisme naïf dont on connait tous les écueils, en privilégiant au contraire une vraie convergence entre des convictions intimes et une fonction visible dans l’entreprise et dans le monde ?

Cela suppose d’abord d’avoir des convictions. Celles de la troupe de l’Arc en Ciel sont fortes ; les comédiens les partagent en un projet de vie qui dépasse largement le temps du spectacle et des répétitions. Ils ont choisi les frères Karamazov car cette oeuvre est pour eux un modèle de clairvoyance, de lucidité vis-à-vis de la condition de l’homme (et donc, en particulier, du collaborateur, du cadre et du dirigeant d’entreprise) confronté à une complexité croissante de son environnement. Voici trois de ces convictions ; elles ont un écho immédiat dans le monde de l’entreprise :

– La complexité génère un sentiment de fragilité, de vulnérabilité, voire de culpabilité. Or, cette complexité est inhérente à la condition humaine. Plutôt que de s’épuiser à la combattre, mieux vaut l’accepter, y reconnaître les richesses qu’elle recèle et les partager.

– Une consigne ou une directive est toujours interprétable. Elle n’est jamais parfaite. Le résultat de l’application de cette consigne dépend toujours de son interprétation par celui ou celle qui l’exécute.

– Il en résulte une nécessité : connaître l’autre. Et il est préférable de bien connaître son écosystème local, de proximité, intimement s’il le faut, plutôt que de survoler à grande vitesse une grande quantité d’interlocuteurs dont on ne connait que la fonction théorique sur un organigramme.

Cela suppose aussi de s’engager dans une démarche d’alignement du rôle que l’on veut jouer et de ses convictions. Les personnages de Dostoïevski y parviennent avec plus ou moins de bonheur, tout comme les collaborateurs, les cadres et les dirigeants d’entreprise.

Laissons maintenant la parole aux membres de la troupe. Grâce à leur adaptation au théâtre des frères Karamazov, nous pouvons découvrir un roman de 1400 pages sans avoir à trouver le temps de le lire. Loïc Devaux, chargé de production, cite spontanément cette phrase de Dostoïevski : » l’homme est un mystère…je m’occupe de ce mystère, car je veux être un homme ». Il enchaine avec les propos de Cécile Maudet, qui assure la direction des acteurs et la mise en scène avec Olivier Fenoy, recueillis lors d’une interview : « Quelle vie ! », voilà ce que j’aime chez ces personnages. Ils ne font l’économie de rien, ils n’ont pas peur de souffrir parce qu’ils aiment la vie, non parce qu’ils aiment la mort. S’ils acceptent de tout traverser, c’est parce que ce sont des vivants qui viennent nous chercher dans des réalités très quotidiennes, dans ce que nous pouvons chacun être en droit de vivre. Mais lorsque dans cette traversée, peut sourdre un sentiment d’amertume voire de culpabilité, Dostoïevski ne porte aucun jugement, au contraire il laisse chaque personnage libre comme le spectateur ; affirmant que si l’on se perd seul, c’est toujours avec d’autres qu’on se sauve. »

A méditer, longuement s’il le faut, à l’instar des spectateurs unanimement conquis par la richesse de la pièce.

Un jeu vivant et sans tabous.


Inked by Scenent 被場景繪製 Bèi chǎngjǐng huìzhì

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